Lomé
accueille le premier sommet de l'Union africaine sur la sécurité
maritime le 15 octobre, un enjeu majeur pour le continent à la recherche
d'un véritable financement pour combattre la piraterie ou la pêche
illégale. Au moins 92 % des marchandises arrivent sur le continent
africain par les mers et une façade maritime.
Golfe de Guinée : plus de 5 700 kilomètres de
côtes, 17 pays qui s'étendent du Sénégal à l'Angola, le golfe de Guinée
est désormais l'épicentre de la piraterie maritime en Afrique, alors que
la situation s'est apaisée au large de la Somalie. « Dans le golfe de
Guinée, les zones à très fort risque sont : le fond du golfe de Guinée
entre la frontière Liberia-Côte d'Ivoire et la frontière République
démocratique du Congo-Angola. Les zones à risque sont : les eaux
territoriales et le large (zone de 100 milles marins) de la Guinée, de
la Sierra Leone, du Libéria et de l'Angola », indique le site du ministère français des Affaires étrangères.
Piraterie : de 2005 à nos jours, plus de 205
attaques ont été répertoriées. Les pirates s'attaquent en priorité aux
tankers pétroliers, mais aussi aux bateaux de marchandises. Ces actes de
piraterie concernent essentiellement le vol et la revente de pétrole.
Et depuis avril 2016, l'Organisation maritime internationale (OMI)
dénombre au moins 27 attaques de bateaux (vols, kidnappings ou
tentatives échouées) sur les côtes d'Afrique de l'Ouest, contre deux
seulement en Afrique de l'Est. Les attaques des pirates des mers sont de
plus en plus éloignées des côtes, note le commandant Éric Lauvault,
capitaine du Dixmude, bâtiment de projection et de commandement
(BPC) de la marine française qui sillonne les eaux internationales
d'Afrique de l'Ouest depuis 1990 et lutte contre le « brigandage », les
pêches illégales, les attaques, mais aussi les trafics en tout genre.
Nigeria, nouveau centre de gravité : géant de
170 millions d'habitants, est au cœur du problème. La majorité des
attaques perpétrées dans la région le sont au large de ses côtes ou dans
les pays voisins, métastases des groupes armés originaires du Delta du
Niger, la plus grande réserve d'hydrocarbure du continent située dans le
sud du Nigeria. Même scénario qu'en Somalie, où les petits pêcheurs ne
trouvaient plus de poissons à cause des pêches massives illégales, les
groupes armés nigérians défendent leurs actions par leur
« frustration ». « Il y a cette idée que le gouvernement et les
compagnies étrangères exploitent le pétrole et que la population n'en
tire pas profit », explique Barthélémy Blédé, chercheur en sécurité
maritime à l'Institut d'études de sécurité (ISS).
Un nouveau groupe armé a
d'ailleurs menacé de mettre le feu aux pétroliers étrangers, ne se
satisfaisant plus seulement de faire exploser les oléoducs dans le
delta.
Armada : les grandes puissances étrangères
(États-Unis, France, Grande-Bretagne, mais aussi Japon et Chine) sont
présentes en apportant un soutien logistique, financier ou armé aux pays
de la région. Elles protègent ainsi leurs intérêts nationaux qui
transitent sur cette gigantesque autoroute des mers. Mais,
paradoxalement, il était plus facile de travailler au large de la
Somalie, un État failli, que dans les eaux nigérianes. « Pendant la
guerre du Biafra (1967-1970), de nombreuses puissances étrangères ont
importé des armes dans la région séparatiste », conduisant à une guerre
civile sanglante toujours ancrée dans les mémoires, note M. Blédé. « Le
Nigeria ne va jamais accepter que des forces étrangères rentrent dans sa
zone ».
Les coûts : la piraterie est un « business »
qui draine des milliards de dollars et, dans un pays où la corruption
est endémique, les autorités ont longtemps nié les troubles qui
empoisonnent aussi leurs voisins. L'ancien directeur général de l'Agence
nigériane de la sécurité maritime (NIMASA) Patrick Akpobolokemi avait
directement accusé les compagnies d'assurances de grossir les chiffres
et de « brandir le drapeau rouge volontairement » pour « soutirer encore
plus d'argent aux opérateurs du secteur maritime ». Depuis l'arrivée du
président Muhammadu Buhari au pouvoir en 2015, M. Akpobolokemi a été
renvoyé de son poste, accusé d'avoir détourné 2,6 milliards de nairas
(7,3 millions d'euros).
Lutte inégale : « Si un navire commet un acte
de pêche illicite par exemple dans les eaux sénégalaises et passe
ensuite en Guinée, nous n'avons aucun moyen de le poursuivre », explique
un jeune officier de marine d'Afrique de l'Ouest, actuellement en
formation sur le Dixmude. Beaucoup de pays africains n'ont pas de
frontières maritimes délimitées, conséquence, selon M. Blédé, des
partages de la Conférence de Berlin de 1884 qui « ne s'est pas occupée
du domaine maritime ».
Sommet de Yaoundé : le précédent sommet à
Yaoundé en 2013 était un sommet régional sur la seule thématique de la
piraterie. Il a permis la création d'un centre de coordination contre la
piraterie et des centres régionaux.
Charte de Lomé : ou Charte de l'Union africaine
sur la sûreté, la sécurité maritime et le développement est un texte
juridique qui oblige les États à travailler de manière collégiale pour
assurer la sûreté et la sécurité maritime. Le texte prévoit un
accompagnement financier qui doit être planifié sur un plan régional.
La lutte selon le Togo : huit attaques ont été
enregistrées de 2011 à 2013, dont sept déjouées, selon les statistiques
de la marine togolaise. Depuis 2013, aucun acte de piraterie n'a été
commis, la sécurité ayant été renforcée dans les eaux togolaises. Cette
situation a entraîné une augmentation du nombre de navires au Togo. Au
moins 2 423 navires ont fréquenté les eaux togolaises de janvier à
juillet 2015 et 2.307 pendant la même période cette année, contre au
plus 500 navires avant 2013. « Le Togo attire davantage d'investisseurs
étrangers, grâce aux efforts fournis et l'expertise dans le secteur
maritime. Avec la présence de plus de 3 000 invités en octobre prochain,
ce sont d'importantes répercussions économiques pour tous les secteurs
d'activités dans notre pays », avance le ministre des Affaires
étrangères togolais Robert Dussey.
L'économie bleue : l'économie bleue, c'est tout
ce qui est lié à la mer, les ressources halieutiques, les ressources
(minières et d'hydrocarbures) maritimes, la biodiversité et l'activité
des ports. L'Afrique regorge de jeunes pêcheurs qui, il y a quelques
années, allaient pêcher en haute mer et maintenant ne peuvent plus s'y
rendre pour plusieurs raisons : la piraterie, le manque de ressources
lié à la pêche illégale...