Monday, July 30, 2018


Lomé accueille le premier sommet de l'Union africaine sur la sécurité maritime le 15 octobre, un enjeu majeur pour le continent à la recherche d'un véritable financement pour combattre la piraterie ou la pêche illégale. Au moins 92 % des marchandises arrivent sur le continent africain par les mers et une façade maritime.
Golfe de Guinée : plus de 5 700 kilomètres de côtes, 17 pays qui s'étendent du Sénégal à l'Angola, le golfe de Guinée est désormais l'épicentre de la piraterie maritime en Afrique, alors que la situation s'est apaisée au large de la Somalie. « Dans le golfe de Guinée, les zones à très fort risque sont : le fond du golfe de Guinée entre la frontière Liberia-Côte d'Ivoire et la frontière République démocratique du Congo-Angola. Les zones à risque sont : les eaux territoriales et le large (zone de 100 milles marins) de la Guinée, de la Sierra Leone, du Libéria et de l'Angola », indique le site du ministère français des Affaires étrangères.
Piraterie : de 2005 à nos jours, plus de 205 attaques ont été répertoriées. Les pirates s'attaquent en priorité aux tankers pétroliers, mais aussi aux bateaux de marchandises. Ces actes de piraterie concernent essentiellement le vol et la revente de pétrole. Et depuis avril 2016, l'Organisation maritime internationale (OMI) dénombre au moins 27 attaques de bateaux (vols, kidnappings ou tentatives échouées) sur les côtes d'Afrique de l'Ouest, contre deux seulement en Afrique de l'Est. Les attaques des pirates des mers sont de plus en plus éloignées des côtes, note le commandant Éric Lauvault, capitaine du Dixmude, bâtiment de projection et de commandement (BPC) de la marine française qui sillonne les eaux internationales d'Afrique de l'Ouest depuis 1990 et lutte contre le « brigandage », les pêches illégales, les attaques, mais aussi les trafics en tout genre.
Nigeria, nouveau centre de gravité : géant de 170 millions d'habitants, est au cœur du problème. La majorité des attaques perpétrées dans la région le sont au large de ses côtes ou dans les pays voisins, métastases des groupes armés originaires du Delta du Niger, la plus grande réserve d'hydrocarbure du continent située dans le sud du Nigeria. Même scénario qu'en Somalie, où les petits pêcheurs ne trouvaient plus de poissons à cause des pêches massives illégales, les groupes armés nigérians défendent leurs actions par leur « frustration ». « Il y a cette idée que le gouvernement et les compagnies étrangères exploitent le pétrole et que la population n'en tire pas profit », explique Barthélémy Blédé, chercheur en sécurité maritime à l'Institut d'études de sécurité (ISS).
Un nouveau groupe armé a d'ailleurs menacé de mettre le feu aux pétroliers étrangers, ne se satisfaisant plus seulement de faire exploser les oléoducs dans le delta.
Armada : les grandes puissances étrangères (États-Unis, France, Grande-Bretagne, mais aussi Japon et Chine) sont présentes en apportant un soutien logistique, financier ou armé aux pays de la région. Elles protègent ainsi leurs intérêts nationaux qui transitent sur cette gigantesque autoroute des mers. Mais, paradoxalement, il était plus facile de travailler au large de la Somalie, un État failli, que dans les eaux nigérianes. « Pendant la guerre du Biafra (1967-1970), de nombreuses puissances étrangères ont importé des armes dans la région séparatiste », conduisant à une guerre civile sanglante toujours ancrée dans les mémoires, note M. Blédé. « Le Nigeria ne va jamais accepter que des forces étrangères rentrent dans sa zone ».

Exercice anti-piratage entre Ivoiriens et Américains le 25 août 2016 à Abidjan. © AFP/Issouf Sanogo

Les coûts : la piraterie est un « business » qui draine des milliards de dollars et, dans un pays où la corruption est endémique, les autorités ont longtemps nié les troubles qui empoisonnent aussi leurs voisins. L'ancien directeur général de l'Agence nigériane de la sécurité maritime (NIMASA) Patrick Akpobolokemi avait directement accusé les compagnies d'assurances de grossir les chiffres et de « brandir le drapeau rouge volontairement » pour « soutirer encore plus d'argent aux opérateurs du secteur maritime ». Depuis l'arrivée du président Muhammadu Buhari au pouvoir en 2015, M. Akpobolokemi a été renvoyé de son poste, accusé d'avoir détourné 2,6 milliards de nairas (7,3 millions d'euros).
Lutte inégale : « Si un navire commet un acte de pêche illicite par exemple dans les eaux sénégalaises et passe ensuite en Guinée, nous n'avons aucun moyen de le poursuivre », explique un jeune officier de marine d'Afrique de l'Ouest, actuellement en formation sur le Dixmude. Beaucoup de pays africains n'ont pas de frontières maritimes délimitées, conséquence, selon M. Blédé, des partages de la Conférence de Berlin de 1884 qui « ne s'est pas occupée du domaine maritime ».
Sommet de Yaoundé : le précédent sommet à Yaoundé en 2013 était un sommet régional sur la seule thématique de la piraterie. Il a permis la création d'un centre de coordination contre la piraterie et des centres régionaux.
Charte de Lomé : ou Charte de l'Union africaine sur la sûreté, la sécurité maritime et le développement est un texte juridique qui oblige les États à travailler de manière collégiale pour assurer la sûreté et la sécurité maritime. Le texte prévoit un accompagnement financier qui doit être planifié sur un plan régional.
La lutte selon le Togo : huit attaques ont été enregistrées de 2011 à 2013, dont sept déjouées, selon les statistiques de la marine togolaise. Depuis 2013, aucun acte de piraterie n'a été commis, la sécurité ayant été renforcée dans les eaux togolaises. Cette situation a entraîné une augmentation du nombre de navires au Togo. Au moins 2 423 navires ont fréquenté les eaux togolaises de janvier à juillet 2015 et 2.307 pendant la même période cette année, contre au plus 500 navires avant 2013. « Le Togo attire davantage d'investisseurs étrangers, grâce aux efforts fournis et l'expertise dans le secteur maritime. Avec la présence de plus de 3 000 invités en octobre prochain, ce sont d'importantes répercussions économiques pour tous les secteurs d'activités dans notre pays », avance le ministre des Affaires étrangères togolais Robert Dussey.
L'économie bleue : l'économie bleue, c'est tout ce qui est lié à la mer, les ressources halieutiques, les ressources (minières et d'hydrocarbures) maritimes, la biodiversité et l'activité des ports. L'Afrique regorge de jeunes pêcheurs qui, il y a quelques années, allaient pêcher en haute mer et maintenant ne peuvent plus s'y rendre pour plusieurs raisons : la piraterie, le manque de ressources lié à la pêche illégale...
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